À la recherche du regard regardant [PV Akane] Terminé

Sora passa la porte du dortoir, son sac de classe jeté sur l’épaule. Il bailla longuement, épuisé par une journée de classe qu’il n’avait suivit que d’une oreille discrète. Les larmes lui montèrent aux yeux et il les essuya d’un revers de manche. Bon, c’était terminé maintenant. Le bâtiment était un peu à l’écart du bâtiment scolaire, donc plus calme que les couloirs remplis de monde. Pourtant, il allait encore devoir travailler. 16h45, les cours étaient terminés, mais pas les devoirs. Après tout, on ne reste pas dans une école aussi prestigieuse que Suika Gakuen sans un minimum de travail personnel. Et Sora était bien décidé à fournir ce minimum requis : pour rester dans le lycée et pouvoir surveiller Kazu, Rei et trouver son enfoiré de maître. Et le tuer. Et puis rester dans Hikari aussi et remplir son rôle de Knight. Non, vraiment, il ne pouvait pas se permettre de se faire expulser de l’établissement sous prétexte de notes trop basses.

Alors qu’il se dirigeait vers les escaliers pour montrer bosser dans sa chambre, il le sentit à nouveau. Ce foutu sentiment qui le titillait depuis plusieurs semaines. Ce picotement dans la nuque, typique d’un regard qui vous fixe sans ciller. Le blond s’arrêta net et poussa un profond soupir, voire même un grognement exaspéré. Déjà, ce matin, le regard lui avait fait dresser les cheveux sur la tête. Pas un regard particulièrement méchant ou malsain juste… fixe. Comme si la personne avait rien de mieux à faire de ses journées que de le suivre des yeux. C’était si passionnant de le voir marcher vers sa salle, le matin ? Et monter les marches pour rentrer dans sa chambre, le soir ? C’était quoi, un stalker ?
Il avait déjà vécu une situation semblable, il y a longtemps. Une fille, raide dingue et un peu frappée sur les bords. Mais bon, elle n’était pas méchante et puis la sensation sur sa nuque n’était pas la même que l’actuelle. Plus doucereuse, celle là le… l’analysait. Bordel, il servait de cobaye ou quoi ?! Tournant brusquement la tête vers la personne, il la fixa à son tour. Bon, il était temps d’y mettre un terme.

S’avançant vers elle de son pas tranquille, Sora se planta devant la jeune fille. Enfin, c’était une fille, non ? Mais oui, il la reconnaissait ! C’était la colocataire de Rei, d’après ce que lui disait sa mémoire. Et une fille, d’après ses recherches complémentaires. Adossée au mur, elle le fixait de ses grands yeux noirs. Peut être ne s’attendait-elle pas à ce qu’il vienne la voir. Ou pas si directement. Qui sait ? Etirant ses lèvres en un sourire plus poli que charmeur – contrairement à ses habitudes – il lui demanda d’une voix égale :

« Oui, tu voulais me parler ? »

Non, Akane n'était pas un stalker. Ni une stalkeuse. Ni même un de ces êtres psychopathes avec des passions plus que douteuses. En fait, elle était même tout le contraire. Si c'était vrai qu'elle suivait sans arrêt du regard Sora, lorsqu'il était a porté, ou même Kazuki, elle ne le faisait pas par intérêt. Oui, elle si fichait pas mal de ce que portait Sora ce matin, ce qu'il faisait en cours et même la première fille à qui il avait sourit. Si elle avait posé son regard sur lui, et lui seul dans ce couloir, ce n'était pas pour sa beauté, son entrain ou son sourire. C'était simplement parce qu'il est le frère de Reimei, sa protégée.

Oui, bien sûr, un Ange n'a pas besoins de suivre nuit et jour les parents proches de sa protégée. D'ailleurs, ce n'est pas si important que cela. Sauf quand la famille proche, comme Sora ou Kazuki était si importante pour Rei, et qu'en plus de cela, l'Ange à ce genre de caractère assez... Radicale. Étrange. Akane était possessive, elle n'arrivait pas à comprendre comment deux petits blondinets pouvait ainsi être non stop dans les pensées de Rei. Et pas elle. Jalousie. Il n'y a pas que cela, évidement, puisqu'elle avait aussi envie de savoir à quoi ressemblait le frère de Rei, sa façon d'être et tout cela. Elle était curieuse, et pour le moment, elle ne savait pas quoi penser.

Sora marchait tranquillement, et avait l'air d'être assez sérieux. Il n'était pas hargneux, pas colérique ni même méchant. Il était assez tranquille, toujours joyeux - en tout cas quand elle était l- et même après des heures de regard intense, elle n'avait pas perçu de grand défaut majeur qui pouvait faire qu'elle ne le supporte pas. Ce qui serait assez étonnant, de toute façon. Voilà pourquoi elle ne comprenait pas que la pensée de son frère, par Rei, puisse la faire souffrir autant. Il ne pouvait pas lui avoir fait du mal, pas vrai ?

Dans ses pensées, même en regardant Sora, elle ne put même pas percevoir son arrêt brusque, puis son changement de direction, vers elle. Elle ne s'en rendit compte que lorsque le jeune homme se pointa devant elle, et lui adressa la parole. Surprise, elle sursauta, avant de placer son bras droit devant son visage, comme si elle avait eu peur de se faire frapper. Réflexe idiot.

Retenant un rire nerveux, elle baissa doucement son bras et prit un air désintéressé. Oui, oui, comme si elle ne l'avait jamais vu, jamais regardé. Elle tourna alors doucement sa tête sur le côté, montrant son profil à Sora. Naïve, elle pensait réellement que Sora croirait qu'elle ne lui voulait rien. Simple coïncidence que meurs regards ce soient croisés.

"Pas spécialement. Toi, oui ?"

Véritablement, elle mourrait d'envie de discuter avec lui. Parce qu'elle voulait en apprendre plus sur Rei, et qu'il semblait bien placé pour le faire. Mais comment annoncer cela ?

Le brusque sursaut de la jeune fille lui fit hausser un sourcil. Elle le fixait mais elle ne le voyait pas arriver. Logique. Elle sursauta donc, levant un bras protecteur devant son visage androgyne. Sora haussa son deuxième sourcil. Quoi, il était si effrayant que cela ? Elle aussi pensait qu’il était un délinquant, violent et instable ?! Il n’aimait pas cette idée. Mais pas du tout. Ce n’était pas quelqu’un de sadique, cruel voire psychopathe, comme certains. Il ne se servait de ses poings qu’en cas de danger ou pour protéger les êtres qui lui étaient chers. Mais gratuitement, jamais. Certes, il avait déjà frappé un ou deux murs sous la colère, parfois même des joues à cause de l’inquiétude – l’engueulade de Kazuki après qu’il se soit fait tatoué reste dans les plus mémorables. Avec ce simple geste, Akane l’avait plus blessé qu’elle ne l’imaginait. En fait, il était las. Il n’avait plus la force d’être en colère pour ce genre de chose. Ses professeurs se méfiaient déjà de lui comme de la peste, rien d’étonnant à ce que les élèves prennent exemple. Tout cela à cause de cheveux blonds et un non port de l’uniforme. Ridicule. Mais banal. Pas de quoi s’énerver, donc. Il pouvait gérer ça, il connaissait.

Son sourire tordu, signe extérieur d’un rire intérieur, n’améliora en rien les choses lorsqu’elle finit par baisser son bras. Oui, elle ne l’avait pas fait exprès. Mais elle l’avait tout de même fait. Comme s’il l’avait agressée alors que, au contraire ! il s’était montré poli et remarquablement doux dans son approche. La jeune fille détourna la tête, s’adossant un peu mieux au mur, l’air de rien. … elle était sérieuse ? Lui faire le coup de « comme si rien n’était ». Est-ce qu’elle pensait sérieusement qu’il allait tomber dans le panneau ? Rien que l’expression de son visage la trahissait. Ses cheveux dressés à cause de son brusque mouvement, les joues un peu rosées à cause de l’afflux sanguin dû à la peur, le souffle plus court que la normale… non, vraiment de chez vraiment, c’était une très mauvaise actrice. Akane resta un moment immobile, affichant une décontraction de façade, avant de lui répondre d’une voix d’enfant qui dit exactement le contraire de ce qu’il pense :

« Pas spécialement. Toi, oui ? »

Oh la blague. Le prenait-elle… pour un con ? A cette pensée, il sentit sa fierté et son orgueil s’agiter douloureusement en lui. Sora avait été élevé par un père macho et au sens de l’honneur exacerbé et peut être cela se voyait-il sur lui à sa façon de se tenir ou de froncer les sourcils quand on remettait sa parole en doute. Un peu comme maintenant, en fait. Mais il était assez réfléchi pour ne pas être aussi impulsif que sa nature et son éducation le suggérait. Le blond fixa donc son interlocutrice d’un regard peu convaincu et dit :

« Eh bien, vu que tu me fixes depuis ce matin je pensais que tu avais quelque chose à me dire, mais apparemment non. Sinon, on peut s’asseoir là-bas et parler si jamais tu changes d’avis. »

Il lui indiqua quelques-uns des fauteuils du salon d’un mouvement du menton et termina sa phrase par un sourire discret. Elle était mignonne, finalement, avec son incapacité à mentir. Et puis, peut être qu’en papotant avec elle il apprendrait quelques infos récentes sur Reimei, cela faisait un moment qu’il ne l’avait pas vue. Sans compte que Akane restait une fille et Sora un garçon. Un garçon très open.

Elle le sentit. Elle le sentit tout de suite. Elle sentit tout de suite qu'elle l'avait blessé. Elle l'avait blessé, et elle se blessait elle même. La douleur fut poignante, et la prit de court. Elle ressentit la même chose que ce qu'avait ressentit Sora. Et elle se répéta pour la millième fois de sa petite existence qu'elle aurait mieux fait de rester enfermé plutôt que de venir dans un endroit bourré de monde. De rechercher des informations sur sa protégée et de blesser, déjà, un de ses proches. La douleur fut plus grande encore car elle venait de blesser le frère de Sora. Elle ne comprit pas comment un seul mouvement de sa part avait pu ainsi blesser son vis-à-vis, mais elle l'avait fait, et c'était impardonnable.

Il venait d'ailleurs de lui indiquer qu'il ne croyait pas en sa petite comédie. Elle n'avait pas l'impression d'être si mauvaise comédienne, mais il était vrai qu'elle n'avait pas vraiment d'alibi acceptable. Elle le fixait depuis quelques jours, et venait clairement de le fixer pendant qu'il s'approchait d'elle. Elle était bien naïve, idiote et maladroite. Mais elle ne pouvait rien y faire. Le mal était fait, et une fois de plus, une pointe glacé vint se ficher dans son cœur.

Bien des gens me diront qu'à ce moment là, j'exagérais. Et pourtant, je ne le fis point. En effet, Akane était une de ces Anges qui avait la particularité d'être trop ouverte autours d'elle, bien trop inexpérimenté. Elle pouvait fondre en larme en croisant deux personnes malheureuses dans la même journée. Bien sûr, elle apprenait à se contrôler, et parvenait maintenant à ne pas être trop déstabiliser lorsqu'elle rencontrait des personnes peu joyeuse. Oui, mais la douleur était encore là. Et si forte maintenant qu'elle ne voulut pas regarder Sora dans les yeux.

C'était elle qui l'avait blessé, et elle le faisait encore maintenant. Il était trop proche d'elle, trop présent. Elle avait peur de croiser son regard, d'y lire de l'amertume et de fondre en larme sans pouvoir lui expliquer pourquoi. Bonjour, je suis une Ange et je viens de percevoir ta détresse. Inconcevable.

Il venait de lui adresser la parole, de montrer discrètement un endroit plus calme. Laissant un temps, elle prit alors son courage à deux mains et se concentra sur sa voix. Elle ne voulait pas qu'elle tremble, elle ne voulait pas montrer à Sora à quel point elle venait d'être secoué par sa propre bêtise. Elle se promit d'ailleurs de s'excuser, un moment ou un autre.

"P... Pourquoi pas."

Et d'un simplement mouvement de tête, elle ficha ses yeux dans ceux de Sora. Elle fut contente de ne pas y lire ce qu'elle avait ressentit jusqu'alors. Elle se sentait encore coupable, et une petite voix dans sa tête lui disait qu'il fallait qu'elle continue ainsi. Elle avait fauté, encore une fois, et n'était qu'une bonne à rien.

Laissant son double maléfique loin dans sa tête, l'Ange reprit un visage un peu plus calme, ne ressentant plus autant la déception de Sora. Ses joues étaient encore roses, preuve de son incapacité à mentir ou à dire les choses à moitié. Dans sa tête, ce n'était pas pourquoi pas, mais plutôt avec joie.

Ne pouvant plus tenir, elle baissa les yeux, et s'avança vers les fauteuils. Elle ne pouvait pas fixer ainsi Sora, en toute innocence, alors qu'elle savait bien qu'elle l'avait blessé, et qu'en plus elle venait de mentir outrageusement. En faite, elle se sentait tellement honteuse qu'elle se serait bien transformé en souris pour échapper au regard du frère de Rei.

[Je suis désolée, Sora, j'avais même pas capté que tu m'avais répondu T_T Je suis aveugle, c'est certain.]

« P… pourquoi pas. »

P-pourquoi pas ? Timide ? Le sourire discret qu’il arborait jusque là s’agrandit sur un autre, plus rieur que le précédent. Bah écoute, « pourquoi pas ». Après avoir gardé le visage baissé un moment, Akane releva la tête et happa son regard le temps de quelques battements de cœur. Ils étaient plutôt beaux. Noirs et profonds, très japonais. Une lueur un peu peinée y brillait faiblement, mais Sora n’eue pas le temps de la décrypter que, déjà, un battement de cil l’avait effacée. Il avait dû rêver. De quoi serait-elle peinée ? De s’asseoir avec lui autour d’une table en bois verni dans de très confortables fauteuils qui avaient dû couter la peau du cul au directeur ? Non, elle n’aurait pas accepté sinon.

Le jeune homme se demande vaguement quel genre de personne était cette Akane, qui partageait la chambre de sa sœur. Elle avait passé de longues minutes à le fixer sans raison et il savait maintenant qu’elle était incapable de mentir sans se trahir dans les secondes qui suivent. Était-elle foncièrement sincère ou juste bizarre ? Il se prit à espérer qu’elle ne faisait pas la même chose à Rei, ne la lâchant pas du regard dans leur chambre puis lui affirmant le contraire. Surtout que sa petite sœur serait assez naïve pour la croire. Peut être qu’il devrait se méfier d’elle. Pourtant, elle avait l’air totalement inoffensif à ses yeux. Impossible pour lui de l’imaginer avec un sourire retord et un air vicieux et sadique sur le visage - alors qu’il était franchement doué pour ça d’habitude. Cette nana semble un peu trop fragile pour être honnête et, pourtant, il n’arrivait pas à l’imaginer autrement. À croire qu’une auréole lui avait poussé sur la tête.

Sora cligna des yeux tant que la fin de la phrase de la jeune fille résonnait encore à ses oreilles. Son visage s’était fait plus calme mais l’excitation lui rosissait encore les joues. Alors qu’il souriait en coin, elle s’élança d’un coup, tête baissée, vers un des petits salons aménagés dans la salle. Il la suivit de ses longues enjambées d’occidental et alors qu’elle hésitait sur quel siège poser son popotin, le blond se laissa tomber sur un des deux autres. Le temps qu’elle s’installe, il avait appuyé un coude sur ses genoux et lui tendait l’autre main.

« Commençons par faire les présentations en bonnes et dues formes ; Sora Launay, et toi ? »

Bon, ça ne servait strictement à rien, mais c’était histoire d’officialiser les choses. Après tout, il n’allait pas lui dire qui la connaissait car il avait fait des recherches sur elle, non ? Et puis, sait-on jamais, si ça se trouve elle ne savait pas qui il était - aussi fou que cela puisse paraitre puisqu’elle l’avait stalké pendant un bon moment - et qu’elle l’avait suivit du regard juste à cause de son physique avenant. Non, il ne s’envoyait pas des fleurs, il était juste conscient de son reflet et d’à quel point il dénotait avec celui
des petits japonais bruns qui pullulaient dans les couloirs.

Il se radossa confortablement dans le fauteuil de luxe qui lui servait d’appui et resta silencieux un moment. Akane ne semblait pas vouloir entamer la conversation. Il se gratta pensivement le menton et, après avoir attendu une paire de minute, se décida à faire le premier pas.

« Tu es la colocataire de Reimei, c’est ça ? »

Spoiler:

Il l'avait regardé dans le blanc des yeux, et il n'avait pas l'air plus gêné que cela. Un bon point pour elle. Il la suivit ensuite jusqu'aux fauteuils et pendant qu'elle se demandait sur lequel s'asseoir, il prit place sans se poser de question sur l'un d'eux. Elle ne réfléchit donc pas plus, et posa ses fesses sur le siège face à celui du frère de Reimei. Il venait de prendre une pause proche du playboy lorsqu'il reprit la parole. Il avait une jolie voix, et Akane fut contente de ne pas y percevoir la moindre émotion négative. C'est à ce moment là qu'elle se rendit compte de qui elle avait devant elle.

Tout d'abord, je vous rappel à tous qu'Akane est une jeune fille naïve et innocente, que le seul fait de tuer un moustique peut lui donner les larmes aux yeux - et ce n'est pas parce qu'elle s'est cassé la main en l’abattant trop fort - et que sa tension frôle le zéro dès qu'elle n'est pas dans les flammes d'un foyer. En gros... Tout le temps. Je vous dit cela, parce que... Elle était effectivement complétement à côté de la plaque, dans un monde de bisounours fluorescent et elle se retrouve devant un beau jeune homme tout sourire.

Oui, Akane venait de comprendre qu'elle avait adressé la parole à un garçon. Un garçon super mignon et qui le savait. La confiance transpirait de sa peau et contrasté avec le malêtre ambiant de la jeune femme. De quoi lui couper la parole pendant encore quelques minutes. Elle s’évertua donc à enfin regarder le jeune homme en face d'elle. Des cheveux aussi blonds que ceux de Rei, de grands yeux expressifs... Elle s'arrêta là, pensant sans doute que son petit cœur ne teindrait pas. Elle venait tout de même de détailler le frère de sa protégée et cela ne lui convenait pas. Respirant calmement, elle reprit contenance et oublia à qui elle avait à faire.

Oui, c'est aussi simple que cela lorsque l'on est limité. Il vous suffit de vouloir oublier le problème, et le tour est joué. Mais Akane n'était pas vraiment le genre de fille limitée, et elle le comprendrait très vite. Pour le moment, elle se focalisa sur le voix et le sens des paroles de son vis-à-vis. Un seul problème à la fois, s'il vous plait.

"Euh, oui...C'est moi. Akane Hirogami, enchantée."

Se faisant, elle esquissa un sourire sincère, qui n'avait rien de calculé. C'était tout simplement spontanée, et elle était réellement enchantée de le rencontrer. Sauf qu'elle essayait de le cacher depuis le début, de peur de lui faire peur ? Peut être. Toujours est-il qu'elle ne se rendit pas compte de son sourire, et qu'elle décida qu'elle n'allait pas non plus rester indéfiniment assise sur une chaise à regarder le frère de Rei pendant des heures. Elle aurait pu, hein. Elle venait de le faire.

"Et toi, tu es l'un de ses frères. Rei me parle un peu de vous, parfois."

Et c'est d'ailleurs pour cela que je suis là. Aurait-elle pu rajouter. Mais il se serait demandé pourquoi elle voulait rencontrer le frère de Rei, juste comme ça, parce qu'elle lui en avait parlé. Elle n'aurait pas pu lui répondre que c'était parce qu'elle la trouvait un peu triste parfois, ou nostalgique. Comme si elle avait perdu une part d'elle même un jour et qu'elle la retrouvait dans ses frères. En bref, c'était impossible de l'expliquer clairement et sans mentir. Parce qu'évidement, elle ne savait mentir, et Sora l'avait sans doute bien remarqué. Sauf qu'Akane elle même n'en savait rien. Je veux dire par là qu'elle n'aime pas mentir, mais qu'elle n'a pas idée du fait qu'elle ne sache pas mentir. Et oui.

Souriant toujours, Akane croisa ses jambes avant de se rapprocher un peu de Sora. Elle voulait un plus d'intimité et elle ne ressentait que les allées et venues dans son dos. Rien de très agréable. Ainsi, elle ressentait plus la présence de Sora que des autres personnes. Elle n'était pas pour autant super proche de lui, mais elle prit alors encore plus conscience du jeune homme en face d'elle. Quand je vous dit qu'elle n'oublie pas assez. Elle prit donc conscience en cet instant de la bouche de Sora, qu'elle trouva fort attirante, si elle pouvait trouver quelque chose attirant, ainsi que du cou fin du jeune homme. Bizarrement, elle trouvait que les cous avaient une certaines dignités. Elle aimait souvent observer la nuque des autres, lorsqu'elle observait les autres et non Rei.

Elle se sentit rougir au moment où elle trouva le cou de Sora fort charmant, puis elle passa vivement une main dans ses cheveux peu discipliné avant de reprendre contenance. Pas question de perdre la face devant le frère de Rei. Ce n'est pas comme si elle n'avait pas l'habitude de parler à des personnes de sexes opposés... Ah... Ben si. Et oui, la jeune femme n'avait pas vraiment eu le temps de comprendre le système fille/garçon qu'elle se retrouvait ici. Alors oui, elle était quand même assez âgé pour le comprendre bien avant... Mais comme je ne le répète pas assez souvent, Akane est tellement naïve que ce genre de chose, voyez vous... C'est... Le mystère absolu.

Donc, cela ne faisait pas des masses de temps qu'elle avait compris que la plupart des filles étaient attirés par les garçons, et réciproquement. Elle avait donc en face d'elle un garçon. D'environs son âge. Et de particulièrement attirant. En bref, le genre de truc qui lui donne facilement la peau rouge et une envie de se faire aussi petite qu'une poussière. Sauf quelle s'entraînait dans sa tête en ce moment même, et elle retrouva donc un calme apparent en moins de quelques secondes. Du très grand art. Elle voulait tout de même s'excuser de son comportement étrange, mais cela aurait été encore plus étrange et elle n'aurait su lui dire exactement sans mentir pourquoi elle avait un comportement étrange. Elle arrêta donc là son raisonnement et reprit la parole.

"Vous ne vous voyez plus autant qu'avant, tout les trois ?"

Question rhétorique, mais elle voulait savoir ce que cela lui faisait, à lui. Elle n'aurait qu'à se concentrer sur les impressions de Sora et de sa réaction précise dès l'instant où il aurait capté la question. Akane avait beau ne pas être une femme calculatrice - où ça des boutons ? - elle avait tout de même du bon sens.

Sora resta un moment le bras en l’air. Encore. Encore. Encore… Oh la grognasse. Était-elle, actuellement, en train de lui mettre un vent mémorable ? Dans le genre je te fixe dans les yeux, je suis là, bien en face de toi, je vois bien que ta main est tendue vers moi pour que je la prenne dans la mienne et que je la secoue dans ce que les gens civilisés appellent un « serrement de main » alors que si on regarde de loin c’est juste une tradition étrange, je sais faire un serrement de main parce que mes parents me l’ont appris et que même s’ils ne l’avaient pas fait la société s’en serait chargée pour eux, je n’ai aucune malformation au bras qui m’empêche de le lever vers toi pour prendre ta main que tu me tends depuis quelques minutes - tu vas bientôt avoir une crampe d’ailleurs - mais, pourtant, je ne bouge pas et je te regarde attendre que je fasse un geste ? Oui, elle était en train de lui mettre exactement ce vent là. Quelle tirade à la Proust.

Notre blond ne savait plus quoi penser. Cette fille allait le rendre fou. Il allait péter un cable, se lever en criant, renverser la table et balancer le fauteuil à l’autre bout de la salle. Il allait l’attraper par les épaules et la secouer comme un prunier, lui demander en hurlant ce qu’il lui avait fait, s’égosiller tellement qu’il lui postillonnerait partout sur le visage, puis la lâcher et se mettre à pleurer. Lui mettre une claque, éventuellement, puis se remettre à pleurer. Mais Sora ne fit rien de tout ça, se contentant de la fixer alors même que Akane le fixait également. Comment devait-il le prendre ? La question ne se posait même pas en fait : il le prenait très mal. Est-ce qu’elle le faisait exprès ?! Un coup elle semblait aussi gentille et innocente qu’une pâquerette au printemps et, la fois d’après, elle se transformait en garce sans cœur avec un sourire cynique aux lèvres et un fouet dans les mains. Bon, ok, il exagérait un peu, mais c’était l’idée.

Surtout qu’elle ne pouvait pas se servir de l’excuse « Désolé j’avais pas vu » ; elle était littéralement en train de le dévorer du regard. Eh bien, quoi ? C’était une de ces groupies ? Bizarrement cette image de jeune fille en chaleur hurlante ne collait absolument pas avec celle qu’il se faisait d’Akane. Mais, après tout, quelle image se faisait-il d’elle ? Un coup elle le caresse dans le sens du poil et, la fois d’après, elle les lui arrache sauvagement. En fait c’était peut être une groupie et cela expliquerait pourquoi elle le suivait ainsi du regard depuis des semaines. Seul hic : sont incapacité à mentir. Il l’aurait su directement si elle avait été une des membres de son fan club. Mais pourquoi elle le fixait ainsi de la sorte alors ?! Si cette dernière interrogation avait été prononcé à haute voix, aucun doute sur le fait que c’est d’un ton plaignant et pleurnicheur que le jeune homme l’aurait fait. Il tournait en rond, de la fumée sortant de ses oreilles, cette fille restant un parfait mystère pour lui. Elle le fixait à en baver mais n’était pas un stalker ni une groupie. Elle lui souriait innocemment, était incapable du moindre mensonge mais lui mettait des vents perfides l’instant d’après. Mais qui était cette Akane Hirogami ? S.O.S !

L’idée que cet alien lunatique soit la colocataire de sa bisounours de petite sœur lui donna soudain des sueurs dans le dos. Sora fronça les sourcils et commença à établir son plan de surveillance quand, soudain, sa vis-à-vis sembla se réveiller. Ses grands yeux noirs quittèrent la bouche du blond, papillonnèrent trente seconde comme à la sortie d’un rêve et revinrent se poser sur lui. Trop tard, il avait baissé le bras depuis longtemps, elle pouvait rêver pour se rattraper maintenant. Oui, Sora boudait. Il était rancunier et, désormais, il se méfiait d’elle plus que de la peste.

« Euh, oui...C'est moi. Akane Hirogami, enchantée, lui dit-elle en souriant. »

Tous ses doutes s’envolèrent avec ce sourire. Il était si pur, si doux, si emprunt de douceur et de sincérité, comment pouvait-elle… NON ! Non, non et non ! Il rattrapa tout ses doutes avant qu’ils ne traversent les nuages, déballa une corde en nylon incassable et se les ficela au corps avec. Il n’allait pas se faire avoir comme ça, oh ! Il était un pro, un vrai ! Un dur de chez dur, au cœur de pierre et insensible, prêt à tuer froidement quiconque toucherait un cheveux de ses têtes blondes de frères et sœurs. Voilà, c’est tout, point final. Et elle c’était une nana angélique mais trop étrange pour lui. Louche. Mais qui avait l’air vraiment très heureuse de faire sa connaissance…

« Et toi, tu es l'un de ses frères. Rei me parle un peu de vous, parfois.

La corde en nylon cassa sous le choc et Sora resta trop stupéfait pour rattraper toutes ses pensées qui s’envolaient.

_ Ah bon ?! »

Il n’avait pu s’en empêcher. Il était trop surpris. Il avait oublié à quelle point il devait se méfier d’elle ; Akane avait entendu parler de lui par Reimei. Elle s’était confiée à elle. Cette nouvelle était trop surprenante pour qu’il continu dans sa paranoïa. Le jeune homme ne remarqua pas le regard que posa son interlocutrice sur lui, ni ses yeux qui descendait de ses lèvres jusqu’à son cou. Il l’aurait trouvé étrange, il aurait psychoté et se serait encore plus méfié. Mais il ne le vit pas. Il était perdu en lui-même, dans ses souvenirs et ses sentiments mêlés. Reimei s’était faite mordre, il ne devait plus l’approcher depuis ce jour-là. Il suffirait qu’il la croise avec Dayen à ses côtés pour mettre sa vie en danger, non, il ne pouvait prendre ce risque. De son côté, sa sœur s’était aussi éloignée de lui et même de Kazu, pour les protéger de ce nouvel instinct qu’elle ne contrôlait pas. Son estomac lui faisait mal.

« Vous ne vous voyez plus autant qu'avant, tout les trois ? »

Avec cette question, elle lui asséna le coup final. Sora ne dit rien, fixant ses mains croisées d’un air absent. Il avait envie de pleurer. Je ne parle pas de larmes au bord des yeux ou de menton tremblotant, non. C’était un sentiment qui le prenait aux tripes, faisait pulser le sang dans ses veines et arrêter son cœur. Il réalisa alors depuis combien de temps il n’avait pas pleuré et à quel point il était malheureux.

« Non…, dit-il d’une voix étudiée pour être la plus neutre possible. Ça fait longtemps que nous ne nous sommes pas vus.

Chaque mot avait été soigneusement pesé, sondé et mesuré. Il fronça les sourcils et ajouta laborieusement :

_ Pas par choix mais par… nécessité. »

Il termina sa phrase et leva les yeux vers Akane. Quand s’était-elle rapprochée ? Quelle était cette lueur dans se regard ? Le jeune homme se dit qu’il avait raté bien des choses durant son introspection mais ne s’attarda pas sur ce point. Cette question avait remué des choses en lui qu’il aurait préféré laisser dormir. Dormir jusqu’à ce qu’il tue le maître de Rei. À cette pensée, un éclair de haine le traversa et il se leva d’un bond. Il se dirigea sans vraiment y penser vers le distributeur dans un coin de la salle et y glissa une pièce. C’était sa faute si cet être s’en était pris à Rei. Cela faisait un moment que cette idée s’était faite une place dans sa tête, comme une tumeur douloureuse qui se trouve une place douillette et y grandi tranquillement. S’il l’avait mieux protégée, ils n’en seraient pas là. Et s’il ne s’était pas attiré l’inimité de tant de vampires non plus. Car oui, forcement, il s’était fait de nombreux ennemis chez les immortels à force de les chasser. Il ne devrait pas s’étonner que ça lui retombe dessus maintenant.

Le bruit de canette tombant dans le casier le sortit de ses cauchemars. Le blond attrapa sa commande et retourna s’asseoir autour de la table. Il posa une boisson devant la brune et ouvrit la sienne dans un crac ! qui lui sembla assourdissant. Il n’avait plus envie de parler, mais le devait. Seulement, une question insipide dans le genre « Et sinon, c’est quoi ta couleur préférée ? » lui aurait brûlé les lèvres. Une seule tournait et retournait dans sa tête et il se décida à la poser :

« Pourquoi ? »

Spoiler:

Un mouvement devant ses yeux attira l'attention d'Akane. Une main tendu qui se repliait tandis qu'une pointe de colère perçait vers elle. Et puis de la surprise, et puis de la déception. De hésitation aussi, en continu. Elle se fracassa mentalement la tête contre la table tout en s'insultant copieusement en se rendant compte que par son manque total d'attention de l'extérieur, n'ayant d'yeux que pour le visage ravissant de Sora, elle n'avait pas fait attention à sa main tendue. Bien sûr, elle se rendait compte qu'elle n'aurait de toute façon pas pu le toucher. Un contact physique avec le jeune homme et elle se savait bonne pour l'infirmerie. C'était encore trop tôt pour elle, voilà tout. Tout de même, elle venait de faire une sacrée boulette, qu'elle ne comptait plus depuis qu'elle voyait Sora. Elle les enchaînait à une vitesse folle, faisant de Sora un pauvre garçon devenant fou. Elle ne s'en rendait bien sûr par compte, mais elle savait tout de même que ce n'était pas bien de sa part. Surtout qu'elle avait ressentit un fragment des sentiments de son compagnon. Elle s'en voulait de ne pas avoir pris cette main tendue, comme un geste d'espoir, contenant tellement de symbolisme. Mais de toute façon, qu'elle la remarque ou non, elle n'aurait rien pu changer. A peine aurait-elle eut frôler la main du jeune blondinet qu'elle serait tombé dans les vapes, très certainement. Ou en tout cas, elle serait devenu rouge pivoine, et serait partie en courant la seconde d'après. Son self contrôle avait des limites.

La surprise se profila de nouveau sur le visage de Sora, qui pourtant, semblait faire tout les efforts du monde pour ne pas faire ressentir à Akane ses sentiments contenus, qu'elle percevait tout de même par brides. Perplexe et méfiant. Des sentiments négatifs qu'elle n'aimait pas, et elle compatit désormais les faire s'envoler. Elle voulait que Sora lui fasse entièrement confiance, qu'il soit totalement à l'aise avec elle. Cela incluait qu'elle le soit aussi, mais tant qu'elle n'avait pas ses yeux dans les siens et qu'il était à plus de cinq mètres d'elle, elle devrait se sentir calme. Quoi que. Dans tout les cas, à cinq mètres, ce n'était pas possible d'entretenir une relation. Amical ou non. Se retenant de se frapper une nouvelle fois, Akane fut contente de ressentir autre chose que du négatif de la part de Sora. Même si la surprise n'était pas forcément le meilleur sentiment du monde, il était doux et complet. Akane se vautra dedans comme un poisson dans l'eau et une sourire plus grand encore éclaira son visage.

Sauf que ce ne fut que de courte durée, et Sora replongea dans le négatif. Un poignard se ficha dans le cœur d'Akane. Elle ressentie une douleur, encore plus grande que jusqu'alors. Elle sentit la force des sentiments, regret, peur et violence. Et puis ses yeux lui picotèrent et sans qu'elle n'y puisse rien, elle sut qu'elle allait pleurer. Il leva ses yeux vers elle, où coulait de la neutralité contrôler. Mais on ne pouvait mentir sur ses sentiments. Pas à Akane. Elle ressentait encore la douleur de Sora, et même si elle ne voulait plus sentir cela, elle se punissait en restant proche de lui. C'était à cause d'elle. Sa question ne l'avait pas simplement désarçonné. Elle l'avait littéralement fait tomber de haut et piétiné au sol. Elle se sentait coupable de sa détresse. Responsable de son malheur. Elle laissa des larmes coulaient silencieusement sur ses joues, tendit qu'elle détournait la tête en ressentant maintenant de la haine. Ensuite, il s'éloigna d'un pas pressé.

Elle put ainsi reprendre ses esprits, le contact qui la liait avec Sora s'étant réduit à de la poussière. La distance qu'il avait prit pour se remettre lui avait permit à elle de ne plus ressentir ses émotions. Elle savait que dès son retour, elle devrait de nouveau prendre sur elle. Mais il se serait alors calmé. De moins, elle l’espérait.

La jeune homme revint, et posa une canette devant elle. Akane la saisit doucement, enroulant ses doigts en tremblant légèrement. Elle n'avait pas prit la peine d'essuyer son visage mais elle savait que le plus dur était passé. Sora n'avait pas l'air de l'avoir vu pleurer, et maintenant, ses yeux ne voyaient plus flou. Conclusion, elle ne pleurait plus, et n'en avait pas non plus envie. La question de Sora la prit au dépourvu, et elle contracta les muscles de ses bras. Sa main droite glissa sur la canette et celle-ci tomba lourdement sur la table, puis roula jusqu'au bord avant de s'écraser sur le sol. Akane bafouilla des tas d'excuse avant de se pencher pour ramasser le contenant métallique. Elle le reposa vivement sur la table, inspira plusieurs fois avant de poser ses mains bien à plat sur la table et de redresser son visage. Elle planta ses yeux dans ceux de Sora. Et puis, elle s'expliqua.

"Je ne sais pas ce que tu penses de moi en ce moment. Je crois que tu hésites toi même et ce que je vais te dire ne va certainement pas t'aider. Peut être que tu vas être encore plus méfiant."

Akane s'arrêta, se demandant un instant si sa décision était la bonne. Elle n'allait pas non plus lui dérouler tout sur un plateau, mais ce qu'elle allait lui dire risquait de lui donnait soit envie de fuir devant cette folle, soit de lui poser encore plus de question ou alors de l'engueuler en lui demandant d'arrêter de se mêler des affaires des autres. Et c'était en partie vraie. Akane ne devait pas se fourrer dans les affaires d'autrui. Mais Rei était sa protégée, et elle ne voulait pas qu'elle souffre. Hors, ce qui se tramait dans la famille Launay la faisait affreusement souffrir. Hors de question pour la demoiselle, donc, de rester les bras croisés. L'ange respira de nouveau, regrettant un peu de dire cela à Sora. Elle avait ressentit sa douleur, comme celle de Rei. Et elle savait maintenant que ce qu'elle allait lui dire n'allait pas le réconforter. Au contraire. Hors, elle ne voulait surtout pas blesser quelqu'un volontairement. Cela allait lui coûter, mais elle voyait pas comment faire autrement. Et Sora devait savoir. C'est en tout cas ce qu'elle pensait.

"En parlant avec Rei, j'ai compris plusieurs choses. Lorsqu'elle parle de toi ou de ton frère, elle semble soudain lointaine et très triste. Sa douleur est immense et je me suis toujours demandé pourquoi. Au départ, je pensais que ce devait être parce que vous n'étiez pas... Comment dire... Affectueux. Que vous la traitiez mal. Pour ce que j'ai pu constater pour le moment, je m'excuse d'avoir penser cela. Bien sûr, je ne te connais pas du tout, et tu peux très bien cacher ton jeu. Car tu souffres aussi lorsque tu parles de Reimei."

Tout en s'excusant, Akane rapprocha sa tête de la table, effectuant une courbette respectueuse. Sora ne pouvait pas la berner, au moins le pensait-elle. Il n'avait pas vraiment eu de sentiments malhonnête. Bien sûr, certains étaient violents. Elle avait ressentit de la haine, mais elle n'était pas tourner vers Reimei ou même vers elle. Cela n'excusait rien, mais Akane était soulagé que personne ne souhaite de mal envers sa colocataire. Elle était donc maintenant certaine que ce n'était pas Sora lui même qui faisait souffrir Rei mais plutôt leur relation. Le regret, la peur, le manque total de contrôle lorsque son prénom avait était prononcé. C'était encore tout frais, et c'était peut être aussi pour cela que c'était si douloureux. Mais Akane n'était pas sûr que le temps puisse véritablement faire disparaître la douleur qu'elle avait ressentit. C'était tellement... Poignant. Elle l'avait sentit comme se pressant sur sa peau, obligeant le passage, se refermant comme une main d'acier sur son cœur et le comprimant glacialement. Une telle douleur... Rien que d'y penser, elle ressentait encore les morsures de la tristesse et ses yeux lui piquèrent de nouveau.

La jeune fille ferma ses yeux, espérant se contrôler.

[Avec du retard, du retard et... Du retard 8D Désolée ><]

Bing ! Bang ! Spong ! Clang !

Sora suivit lentement du regard la cannette qui rebondissait au sol. L’avait-il surpris à ce point là ? Pourtant, de son point de vue, la question tombait sous le sens. Elle lui posait des questions personnelles sur des sujets dont elle ne devrait même pas connaitre l’existence et après elle s’étonnait qu’il la questionne à son tour ! Mais c’était donnant donnant, comme s’il allait se livrer sans rien en retour. L’esprit encore un peu confus par toutes ses pensées négatives, il riva néanmoins son attention sur la jeune fille en face de lui. Attentif. Elle finit par rattraper sa boisson sauteuse et la posa sur la table en proférant milles excuses, autant pour le bruit que pour sa maladresse. Il ne pu s’empêcher de penser que tout le soda lui sauterait au visage quand elle l’ouvrirai. Sora ne dit rien, attendant avec sérieux qu’elle se décide à prendre la parole. Akane avait l’air nerveuse. Elle aplatit doucement ses mains sur le meuble et planta ses grands yeux noirs dans ceux océan du garçon.

« Je ne sais pas ce que tu penses de moi en ce moment, commença-t-elle. Je crois que tu hésites toi même et ce que je vais te dire ne va certainement pas t'aider. Peut être que tu vas être encore plus méfiant.
_ Qu’est-ce que tu racontes ? s’exclama-t-il. »

Sora serra les mâchoires. C’était sorti tout seul. Dit comme ça, bien sûr qu’il allait être méfiant. Comme s’il ne l’était pas déjà assez. Mais plus que les paroles à la limite de la provocation d’Akane, ce fut plutôt l’analyse terriblement juste de ses sentiments qui l’interpela. Elle semblait avoir lu en lui. Pourtant, il se savait doué pour cacher ce qu’il voulait au regard d’autrui. Sauf au sien, apparemment. Oui, il était en plein doute à son sujet. Amie ou ennemie ? Personne de confiance ou infâme traitresse ? Comment savoir ? Il ne savait pas lire dans le cœur des gens, lui. Ses pensées avaient beau s’afficher aussi clairement sur son visage que de l’encre sur du papier, c’était peut être une ruse. Une excellente comédienne, dont la sincérité même était un jeu.

Il observa son petit visage passer par toutes les nuances du doute et de la peur, tentant de décrypter sur ce masque androgyne ce qui était vrai et ce qui était feint. La tâche se révéla impossible. Elle semblait vraiment être peinée, souffrir même peut être. Mais une lueur déterminée ne quittait pas son regard, aussi farouchement têtue que la sienne lorsqu’il avait 6 ans. Autant vous dire que, s’il avait dû affronter un rocher, le rocher aurait fini par bouger avant lui. Il reconnut ce même air inflexible en Akane. Elle devait faire ce qu’elle allait faire et rien ni personne ne pourrait l’en empêcher. Après une lente inspiration, le blond se résigna à écouter - et sûrement subir - ce qui allait sortir de sa bouche. Ce ne serait pas agréable, elle l’avait prévenu, mais il ne pouvait pas y échapper. Alors autant l’écouter avec attention.

« En parlant avec Rei, j'ai compris plusieurs choses. Lorsqu'elle parle de toi ou de ton frère, elle semble soudain lointaine et très triste. Sa douleur est immense et je me suis toujours demandé pourquoi. Au départ, je pensais que ce devait être parce que vous n'étiez pas... Comment dire... Affectueux.

Le garçon avait peur de comprendre. Elle ne voulait pas dire…?

_ … Que vous la traitiez mal…
_ Bordel !

Il se leva brusquement, faisant trembler la table et retomber la canette par son impulsion. Les autres personnes présentent dans la salle se tournèrent vers eux, dérangés une nouvelle fois par le bruit qu’ils faisaient. Qu’ils étaient bruyants ! Mais Sora s’en contre fichait et fit laborieusement les cent pas, luttant contre la colère en se contraignant au calme tandis que la brune continuait de parler.

_ … Pour ce que j'ai pu constater pour le moment, je m'excuse d'avoir pensé cela. Bien sûr, je ne te connais pas du tout, et tu peux très bien cacher ton jeu. Car tu souffres aussi lorsque tu parles de Reimei. »

Elle s’était inclinée jusqu’à ce que son front touche le bois, ou presque. La surplombant de toute sa hauteur, le chevalier la considéra sans cligner des yeux. Ainsi, elle aussi se méfiait de lui. Et puis, d’abord, c’était qui cette fouille merde ? De quel droit elle venait se mêler de leurs affaires de famille ?! Il se remit à marcher d’un pas rageur, psalmodiant mentalement des mots doux à sa propre attention. Zen, zen. Il savait que ça allait se passer comme ça, il n’avait donc aucune raison de s’énerver de la sorte. Avec un grognement pas vraiment bouddhique, il se laisse retomber sur son siège et attrapa sa propre boisson, posée au sol. Sora joua un moment avec, espérant à moitié que le froid lui gèlerait les doigts au point de les immobiliser. En relevant la tête vers Akane, il vit des larmes perler aux bord de ses yeux fermés. Et merde…

« Eh, ça va ?! demanda-t-il d’un ton un peu brusque. »

Elle ne répondit pas. Le garçon posa sa cannette en soupirant, attendri malgré lui ; en bon Dom Juan, il ne pouvait tout simplement pas résister aux pleurs d’une femme. La souffrance et la colère provoquées par ses questions indiscrètes oubliées le temps de quelques minutes, il tendit la main et cueillit sa joue au creux de sa paume. Elle était si chaude, comparée au froid mortel de ses doigts. Il lui essuya les yeux du bout du pouce.

« Eh, il faut pas pleurer pour ça, dit-il en souriant. Je suis désolé de m’être énervé, je ne voulais pas te faire peur. »

Car c’était forcément ça, la raison, non ? Il se radossa dans son fauteuil, pensif. Apparemment, ni l’un ni l’autre ne se faisait confiance et tant qu’ils continueraient ainsi, la conversation n’avancerait pas ; ils tourneraient indéfiniment autour du pot, attendant que l’autre se dévoile le premier. Ce qui n’arriverait sans doute jamais. Doucement, Sora attrapa la chaîne qu’il portait autour du cou et la passa au dessus de sa tête. Il l’enroula consciencieusement autour de sa main droite et la tendit à Akane. Le bijou scintillait sous la lumière artificielle de la salle mais, plus que la chaîne en elle-même, c’est le pendentif qui attirait les regards : un croix d’une simplicité épurée, faite de l’argent le plus pur. Le chevalier fixa intensément son interlocutrice.

« Prends ma main ; c’est ma façon à moi de te faire confiance. Une pause. C’est bien ce que tu voulais, non ? »

Spoiler:

La réaction de Sora fut à la hauteur des inquiétudes d'Akane. La tempête de sentiment négatif que ce prit l'Ange de plein fouet fut résolument trop dure à contrôler. Alors qu'il se balader tel un fauve dans une cage, elle hoquetait de douleur. Les sentiments qui dégageait Sora était en partie tourné vers elle, et elle ne pouvait pas faire comme si de rien n'était. Elle avait toujours vécue entouré de ses parents, et sans avoir véritablement de contact avec l'extérieur. Suika Gakuen était sa première sortie. Sa première expérience de vie. Voilà pourquoi elle était si sensible aux sentiments des autres et si peu encline aux contrôles de ses propres émotions. Peut être que dans quelques mots, elle ne serait plus aussi faible devant ce genre de réaction. De plus, les personnes aux alentours n'appréciant que fort peu d'être ainsi dérangé, leurs piques de colère s'ajoutait à celle de Sora. Bien sûr, ce n'était rien en comparaison à la douleur que lui infligeait l'humeur massacrante du blondinet. Mais elle comprenait pourquoi il était si enragé. Elle le comprenait, et elle acceptait sa punition sans même essayait de le calmer. C'était inutile. Sa mère lui avait un jour dit que la vérité était à double tranchant, et Akane le savait mieux que quiconque. Pourtant, il n'y avait que cela de juste selon elle. Le mensonge délibéré menait dans une voie de plus en plus sombre. Il n'y avait pas de retour en arrière. Il ne fallait pas fauter, simplement. Akane n'était pas une Ange pour rien.

Alors qu'elle sentait maintenant des larmes couler le long de ses joues, elle sentit aussi la colère du jeune homme redescendre d'un coup. Si elle n'avait pas tant souffert que cela, c'était parce que la colère du jeune homme n'était pas profonde. Sûr que s'il la haïssait, elle serait en train d'agoniser sur le sol. Mais il ne la haïssait pas, et il venait même de prouver qu'il n'était que très peu mécontent d'elle. Peut être simplement choqué d'entendre des choses aussi absurde. Ne pouvant même pas répondre à Sora, elle se contenta simplement d'ouvrir les yeux, laissant un flot de larmes descendre jusqu'à son menton. Elle contemplait maintenant le blondinet devant elle, qui commençait maintenant à s'inquiéter pour elle. Elle sentit alors le contact froid d'une paume sur sa joue. La douleur aidant, elle réussit à ne pas rougir de trop, et à ne pas tomber dans les pommes non plus. Il recueillit même une de ses larmes avec son pouce avant d'enlever sa main.

Elle put alors de nouveau respirer, prenant conscience qu'elle avait machinalement arrêter de respirer sous le choc. Ses yeux commençaient enfin à prendre un rythme normal, arrêtant les larmes silencieuses de la jeune Ange. Du coup, elle eut tout le loisir de ressentir encore et encore le contact frais de la main de Sora sur sa joue, et elle sentit ses joues chauffer. Elle baissa la tête d'un geste brusque, regardant ses mains qui se tortillaient maintenant sur ses jambes. Alors qu'elle essayait vainement de contrôler son rythme cardiaque et son flux sanguin, elle entendit un tintement léger.

Relevant la tête, elle aperçut l'éclat que seul l'argent pur provoquait. Ses yeux fixèrent la croix tandis qu'un calme profond envahit Akane. Elle resta un instant contemplative devant le bijou, les yeux scintillant d’intérêt. Puis, elle redressa sa tête vers Sora, apercevant enfin son regard insistant. Étrangement, elle ne fut pas gênée par celui-ci. Voir un tel symbole venait de l'apaiser plus que de coutume. N'ajoutant rien à la parole de Sora, qu'elle n'avait toujours pas décrypté, elle contempla de nouveau la croix tout en demandant doucement.

"Tu es croyant ?"

Elle ne put contrôler le contentement qui la saisit, partageant du bonheur et dans le même temps une paix intérieur enfin acquise. C'était fou comme de voir une croix pouvait la rendre heureuse. Elle se souvenait que sa mère en portait une, et qu'elle s'amusait souvent à la faire briller devant les yeux d'une Akane toute jeune. Dans ce temps là, elle ne savait pas que c'était simplement la lampe halogène du plafond qui procurait ce scintillement apaisant. Toujours est-il qu'elle commençait enfin à comprendre les premières paroles de Sora, et ce sont des yeux effarés qui le fixèrent désormais.

"Te...Te...Prendre la main ?"

Évidement, elle n'était pas sûr de pouvoir le faire sans devenir complétement dingue. Bien sûr, elle était encore au calme, mais elle venait maintenant de reprendre pied à la réalité, et contemplait la main de Sora plutôt que la croix. Elle respira calmement, avant de sortir une main hésitante. Elle ferma les yeux un instant, puis fit le vide à l'intérieur d'elle même. Elle en comprenait pas pourquoi il fallait qu'elle touche ainsi un bel inconnu du sexe masculin, mais elle le devait. Le regard plus que sérieux de Sora la persuadait que c'était très important pour lui. Alors, elle ouvrit les yeux et posa doucement sa main sur celle de Sora. Elle ressentit d'abord le froid de la peau de son vis-à-vis, avant de percevoir le contact du métal sur sa peau. N'éprouvant pas de sensation particulière, Akane relâcha la tension des ses épaules. Apparemment, toucher un garçon ne la rendait pas folle tout de suite. Ou peut être l'était-elle déjà ? Dans tout les cas, ce n'était pas désagréable, et elle commença à se calmer. Redressant son visage, elle planta ses yeux dans ceux de Sora. Elle ne savait pas en quoi poser sa petite main sur celle de Sora retenant une croix pouvait ainsi le mettre en confiance, mais elle venait de faire comme il le souhaitait. Bien sûr, peut être attendait-il autre chose d'elle. Peut être que la croix était pas simplement une croix et qu'elle aurait dû réagir d'une façon ou d'une autre à la présence de l'Ange. Mais la seule réaction qu'il y avait eu, c'était le contrôle soudain d'Akane pour ses émotions.

Spoiler:

Elle était rouge pivoine. Tomate. Soleil couchant. Tache de sang. Rouge, comme si son petit visage allait explosé sous la pression qu’il était en train de subir. Sora avait reçu une éducation occidentale ce qui avait fait de lui quelqu’un de très entreprenant du point de vue japonais. En effet, ce qu’il considérait comme normal à son arrivée - faire la bise entre autres - était vite devenu impossible sous peine de se faire réprimander durement, aussi bien par les profs que les parents des élèves. Attouchement sexuel mon cul, il disait juste bonjour ! Bref, tout cela pour dire que notre blondinet était habitué à ce que ses gestes soient perçus comme déplacés alors qu’ils étaient tout ce qu’il y a de plus innocents à ses yeux. Mais de là à faire imploser une fille parce qu’il lui avait touché la joue… Bon, ok, il n’aurait sûrement pas fait ça à un garçon. Mais ça n’en faisait pas un mouvement tendancieux pour autant, non ?

Pourtant, quand elle vit la croix, Akane se calma instantanément. Elle resta un moment immobile, observant le bijoux avec de grands yeux brillant de ferveur. Comme si sa simple vue l’emplissait au plus profond d’elle de joie et tranquillité. Les paroles de Sora lui glissèrent dessus sans qu’elle daigne les considérer, totalement absorbée dans sa contemplation au point d’en oublier ses autres sens. C’est le regard le plus lumineux qu’il ait jamais vu qu’elle leva sur lui.

« Tu es croyant ?

Comme elle semblait heureuse de ce simple fait ! Le garçon dû se faire violence pour conserver son scepticisme à son sujet ; elle pouvait très bien jouer la comédie afin qu’il l’épargne de toucher le symbole. Même s’il doutait qu’un tel bonheur puisse être feint, on était jamais trop prudent. Au pire, qu’est-ce que ça lui coutait, hein ?

_ Plus ou moins, répondit-il, laconique. »

Il garda son regard rivé sur elle, toujours aussi sérieux. Sa réponse des plus sincères. Il ne croyait pas en Dieu, il savait qu’il existait. Sinon, pourquoi de simples croix pourraient-elles chasser les vampires ? Et l’eau bénite ? Mais il ne se rendait pas pour autant à l’église tout les dimanches et le fait de pécher de l’avait jamais vraiment perturbé. Il ne supportait pas très bien l’idée de devoir se plier aux moindres souhaits d’un vieillard barbu ressemblant au père noël afin d’être sûr de ne pas finir en Enfer une fois clamsé. Déjà parce que s’il voulait des esclaves adorateurs et obéissants, ben il aurait dû y réfléchir à deux fois avant de leur donner le libre arbitre. Ensuite parce que, paradoxalement, le Paradis lui faisait bien plus peur que l’Enfer. L’Enfer, au moins il connaissait.

« Te...Te...Prendre la main ? »

Son moment d’extase passé, Akane semblait avoir enfin ré-atterri sur Terre et le fixait avec des grands yeux de lapin pris au collet. Elle passait de sa main tendu, à lui, à la croix, à sa main. Toute cette angoisse et cette hésitation aurait énervé Sora, un peu plus tôt, mais pas maintenant. Il savait désormais que la brune était une des jeunes filles les plus timides qu’il ait jamais rencontré. Ou, en tout cas, une de celles qui supportaient le moins les contacts physiques. Il sourit. Elle ferma les yeux et pris, lentement, une longue inspiration. Un peu comme les candidats de Fort Boyard avant de rentrer leur bras dans la cage pleine de serpents pour y chercher leur clef. Le chevalier se demanda vaguement si c’était comme ça que son interlocutrice le voyait ; une bête sauvage et venimeuse, qui pourrait lui sauter dessus et la tuer à tout instant. Son sourire se tordit imperceptiblement. Malheureusement, il était effectivement comme un serpent. Tout dépendrait de ce qui allait suivre. S’il s’avérait qu’elle était dangereuse, eh bien, il nous pourrait pas la laisser plus longtemps rôder autour de Reimei. Cette idée le peinait - il devait avouer qu’il l’aimait bien malgré tout - mais il devrait avoir une conversation sérieuse avec elle. Il se surpris à souhaiter que cette croix ne lui fasse rien.

Le contact d’une main chaude sur la sienne le sortit de sa rêverie. Akane, les joues encore rosées, avait finit par se décider. Avant même de savourer le contact d’un tel toucher, l’attention de Sora se riva sur la main délicate de la jeune fille. Aucune odeur de brûlé ne parvint à ses narines, nulles flammes ne léchèrent la peau blanche, ni aucun boutons ou plaques rouges ne la recouvrirent. Rien. Akane n’était ni une vampire, ni une lycan. Il referma alors ses doigts sur elle, les laissant se réchauffer à son contact. Ses yeux toujours fixé sur leurs mains, aucune expression ne s’afficha sur son visage. Il était soulagé. Incroyablement soulagé. Au moins, sa sœur était-elle en sécurité avec elle. Enfin, il savait bien que les humains malintentionnés existaient, mais cette nana lui semblait vraiment trop… pure ? pour qu’il continue de la soupçonner à tout bout de champ. Il fallait savoir s’avouer vaincu. Le blond lâcha Akane, s’autorisant même à laisser transparaitre un sourire sincère. Ses doigts avaient retrouvés une température normale. Mais le plus dur restait à venir.

S’adossant au fond de son fauteuil, Sora commença à penser songeusement à ce qu’il allait bien pouvoir lui révéler. Il lui avait promis sa confiance, et donc son histoire. Mais comment lui expliquer une chose pareille ? Et, surtout, comment le lui raconter sans trop en dire ? Trop de questions et pas assez de réponses. Alors qu’il repassait sa chaîne pardessus sa tête, une chose attira son regard. Une chose qu’il connaissait pourtant bien. Sa croix. La levant à hauteur d’œil, il la fixa d’un air interloqué. Était-elle aussi brillante que cela avant ? C’était le jour et la nuit. Elle qui brillait déjà de milles feux, c’était désormais comme si le feu divin lui-même brûlait dans son cœur. Il se demanda même, pendant un instant, si elle n’était pas fluorescente dans le noir tant son éclat lui faisait mal aux yeux.

Tournant un regard abasourdi vers Akane, toutes ses interrogations sur ses futures révélations totalement oubliée. Il tendit le bijou devant lui.

« … qu‘est-ce que…? »

Pour la première fois de sa vie, il était à court de mots.

Spoiler:

Plus ou moins ? Que voulait-il dire par là ? Elle n'en avait aucune idée, mais elle ne s'occupa pas de cela plus longtemps. Après tout, dans un plus ou moins, il y avait un plus. Elle s'accrocha donc à ce plus et oublia le ou moins. Akane était ainsi. Accroché aux bons côtés des choses, ayant Alzheimer pour les mauvais. Parfois, elle s'en souvenait, lorsque la personne n'avait pas grand chose de bon en lui, et que cette personne faisait du mal autour de lui, jouissant de cette action malsaine. Alors, elle ne s'en approchait pas et restait si lointaine qu'elle pouvait presque disparaître. C'était ainsi, tout ce qui était mauvais la rendait malade. Faible, elle ne servait à rien. Elle ne pouvait même plus se regarder dans un miroir. Et le fait même de ne pas pouvoir apprécier un minimum la personne en question la rendait triste, et elle se sentait comme responsable. Si même elle ne pouvait faire un effort devant cela, qui le ferait. N'était-elle pas une Ange ? Ne devait-elle pas rendre service aux autres ? Elle en avait pleurer dans sa chambre, à chaudes larmes. Bien sûr, ne sortant que très rarement de son cocon angélique, elle ne connaissait que très peu de douleur. Elle n'avait encore rien vu de la vie et elle avait déjà 17 ans. Elle n'avait rien vu de la vie, et elle devait protéger une personne. Jusqu'à sa mort. Toute sa vie... C'était presque risible.

Lorsqu'elle laissa sa main sur celle de Sora, au contact de la croix, le jeune homme attendit un instant, comme s'il pensait qu'une réaction s'effectuerait. Puis, comme rien ne se déroulait, il accrocha doucement ses doigts autours de la main d'Akane, qui laissa de nouveau ses joues devenir rouge. Elle se concentra sur son poignet, afin de ne pas voir les yeux bleus de son vis-à-vis, et la main qui la tenait. Toutefois, elle gardait un œil sur la situation. Ce n'était pas parce qu'elle était gênée qu'elle laisserait tout aller sans son consentement. Elle ne perdait pas le nord si facilement, bien qu'on puisse penser le contraire. Personnellement, en voyant Akane ainsi, je ne lui donnerais jamais ma protection. Elle paraissait bien trop faible pour cela. Elle ne l'était pas tant que cela, mais elle n'avait pas l'air bien efficace. Elle se laissait tellement porter par ses sentiments qu'elle en devenait facilement influençable. Pourtant, c'était justement sous le coup de ses émotions qu'elle pouvait parvenir à faire des choses que peu pouvait faire. C'était au pied du mur qu'elle était efficace.

Le soulagement emplie les traits de Sora, avant que celui laisse la main d'Akane en souriant. Comme s'il l'avait brûler, la jeune fille retira vivement sa main, la cachant sous la table. Elle détourna aussi la tête le temps que Sora réfléchisse. Elle, elle devait simplement se calmer. Ce qui n'était pas si simple que cela. Elle respirait doucement, laissant la plénitude l'emplir lentement. Puis, elle sentit le regard de Sora sur sa nuque, et lorsqu'elle tourna la tête vers lui, elle plissa les yeux devant la lumière dans ses mains, tendit qu'il laissa un grognement proche d'une parole filer d'entre ses lèvres. Akane ne put écarquiller les yeux en voyant la croix, mais elle laissa la surprise envahir ses traits. De toute façon, elle ne contrôlait pas du tout ses émotions, alors elle n'allait pas se forcer à ne pas montrer de la surprise. Cela clamait son innocence.

Sauf qu'elle n'était pas du tout innocente, et qu'elle le comprit dans la seconde suivante. Elle prit donc la peine de prendre un air gênée, laissant ses joues rosirent pour la énième fois et de bafouiller des voyelles sans queues ni têtes. Elle se rendit compte que la confiance qu'elle venait d'obtenir risquait de disparaître à jamais, mais elle ne savait comment expliquer le phénomène. Dire qu'elle ne savait pas du tout ce qui se passait aurait été un mensonge, et elle ne savait pas mentir. Expliquer se qu'elle comprenait revenait au même que de dire ouvertement qu'elle n'était pas humaine, et dire qu'elle ne pouvait en parler à Sora n'était pas la meilleure des solutions. En fait, elle se retrouvait devant un énorme dilemme qui pouvait faire tourner court la conversation et le peu de confiance qu'avait Sora pour elle. Elle ne voulait pas tout gâcher maintenant.

Alors, l'Ange fixa de ses yeux sombres les yeux pâles de Sora, et aligna quelques mots tout en gardant un calme olympique. Pour elle, tout du moins.

"Je... J'ai peut être une explication, mais je m'y risquerais pas devant autant de monde. Et... Et puis... Je ne suis pas sûr que cela soit très bien de te dire ça.... Je ... Je veux dire par là que... C'est compliqué. Je ne veux pas te mentir, ni même te cacher quoi que ce soit... Mais c'est une des rares choses dont je ne parlerais pas volontairement."

Oui parce que ce n'était pas une très bonne idée de parler d'Ange en pleins milieux d'adolescents riant et encore moins à un inconnu. Bien sûr, Sora semblait le moindre mal. C'était le plus connu des inconnus. Il était le frère de sa protégée, il était sa "proie" depuis un petit moment et il n'avait rien à se protéger, si ce n'est sa paranoïa maladive. Mais cela, Akane ne l'avait pas comprit, et c'était peut être mieux pour elle. Le savoir si méfiant lui aurait peut être fait comprendre qu'il avait des choses à cacher et pas autant bénéfique qu'être un Ange. Elle n'avait pas pour ordre de cacher sa nature, mais cela ne semblait pas être une bonne idée de crier à un humain qu'elle était une envoyée de Dieu. Mais comme dit plus haut, Sora était le moindre mal. Et il était plus ou moins croyant, plus croyant que ou moins selon Akane. Pourtant, elle était en train de surchauffer. Elle hésitait, ne sachant trop quoi faire. Tout déballer et risquer de se faire haïr... On ne sait jamais, que Sora déteste les êtres surnaturelles, ou risquer de perdre la confiance du jeune homme. Dans les deux cas, elle était sûr de souffrir de la réaction de Sora.

"Je...Je ne sais pas si tu trouveras ça acceptable... Et... Mais... Je ne veux surtout pas que tu me déteste... Je ne veux pas qu'on me déteste."

Et ce qui devait arrivait arriva. Sous le coup de l'émotion, de l'hésitation et du mur juste devant ses pieds, elle éclata en sanglot. Pourtant, elle évita de faire des bruits extravagants. Elle se contenta de verser des flots de larmes sans remuer, ne cherchant même plus à s'exprimer puisqu'elle était sûr que ses cordes vocales avaient cessés de fonctionner. Elle n'était pas fière d'elle, mais elle ne savait plus quoi faire.

Akane s’était détournée de lui mais elle dû sentir son attention car elle se retourna avant qu’il ait prononcé la moindre phrase. Vu sa tête, elle était en train de se remettre du contact de leurs deux mains ; sa peau n’avait pas encore retrouvée sa couleur normale. Mais là n’était pas l’important.

Lorsqu’elle vit la croix à son tour, la surprise se peignit sur son visage. On aurait pu écrire en lettre clignotante « Ignorante » au dessus de ça tête que cela n’aurait pas été plus clair. Sora ne se sentit pas soulagé ou quoique ce soir d’autre, pour la simple et bonne raison qu’il ne soupçonnait personne sur ce coup là. Après tout, il n’avait jamais entendu parler d’une race non-humaine ayant la capacité de faire briller les croix. Un pouvoir très étrange et inutile, soit dit en passant. Donc si l’ahurissement de la brune ne le surprit pas, son brusque changement d’expression, lui, y parvint. What the…? Akane fit une tête de six pieds de long en même temps que la compréhension s’allumait en lettres tout aussi voyantes au dessus d’elle. Elle savait. Elle savait pourquoi sa croix luisait autant. Elle en était même responsable. Alors que la jeune fille tentait vainement de prononcer quelques paroles intelligibles sans trop rougir, le blond continua de la fixer sans rien dire. Peut être que sa bouche légèrement entrouverte suffisait à exprimer le saisissement qui était le sien. Qu’avait-elle bien pu faire ? Peut être qu’elle avait un produit étrange sur les mains et que son contact avec le métal avait déclenché une réaction chimique totalement incontrôlable ? Dans ce cas là, mieux valait lui dire clairement et simplement ce c’était, pas la peine d’en faire tout un fromage en se dandinant sur place comme elle le faisait. Il n’y avait pas de quoi être gêné. Ses yeux noirs se plantèrent dans les siens.

« Je... J'ai peut être une explication, commença-t-elle, mais je m'y risquerais pas devant autant de monde. Et... Et puis... Je ne suis pas sûr que cela soit très bien de te dire ça.... Je ... Je veux dire par là que... C'est compliqué. Je ne veux pas te mentir, ni même te cacher quoi que ce soit... Mais c'est une des rares choses dont je ne parlerais pas volontairement. »

… ok, c’était quoi ce produit ? Akane vendait-elle de la drogue ? Qui sait, le cannabis était peut être fluorescent une fois sur de l’argent, il n’en savait strictement rien. À moins que ce ne soit encore autre chose de pire, si possible ? En tout cas, il était heureux qu’elle ne veuille pas lui mentir - pour reprendre ses mots. Parce qu’il s’en serait aperçu dans les secondes qui auraient suivies et n’aurait pas trop apprécié qu’elle lui renvoi son début de confiance en pleine face. Déjà que la lui accorder avait été difficile - enfin, pas tant que ça, cette nana dégageait une aura de sainteté à faire se repentir un incube - si c’était pour qu’il soit directement suivit d’un bon gros mensonge, non merci. Dans tous les cas, elle semblait paniquée. Sora continua de la regarder sans trop savoir comment réagir. Il ne voyait pas ce qu’il y avait de si grave dans le fait de faire briller une croix, une chose si grave qu’elle justifie que la brunette se mette dans cet état. D’un autre côté, elle semblait se mettre à paniquer assez facilement. Trop sensible, sûrement. Il se retourna et jeta un œil dans le reste de la salle. Effectivement, ils étaient loin d’être seuls. Une dizaine d’autres élèves étaient là, occupés à travailler, rire ou jouer selon les goûts. Le groupe le plus proche était à à peine quelques mètres d’eux et, quand il les regarda, une des filles leva des yeux brûlants sur lui. Intimité, zéro. Si ce qu’elle avait à lui dire était aussi important que ce qu’il semblait, elle avait raison de ne pas vouloir le faire ici. Lorsqu’il se rasseya normalement, Akane était en pleine surchauffe. Il n’aurait pas été à ce point sûr qu’elle était humaine, peut être l’aurait-il confondue avec une locomotive. Il s’en fallait de peu pour que de la fumée sorte de ses oreilles et il était prêt à parier que ça n’allait pas tarder. Bon sang, elle se triturait les méninges à ce point là ? Sora était étonné. Pas par le fait qu’elle réfléchisse à ce point pour une histoire aussi banale de bijoux brillant, non. Surtout par le fait qu’elle ait des choses à cacher. Il s’était méfié d’elle jusqu’alors mais, à partir du moment où il avait eu la preuve de sa bonne fois, il l’avait automatiquement considérée blanche comme neige. Cette réflexion lui rappela que, lui, il en avait des choses à cacher. Et qu’il avait promis à la brune de lui en révéler quelques-unes. Mais bon, après. Car même s’il ne voulait pas la forcer à parler, elle avait piqué sa curiosité à vif. Et il était bien décidé à connaitre le fin mot de l’affaire.

« Je...Je ne sais pas si tu trouveras ça acceptable…, continua-t-elle, ramenant brusquement Sora au moment présent. Et... Mais... Je ne veux surtout pas que tu me déteste... Je ne veux pas qu'on me déteste. »

Et elle se mit à pleurer. Sora avait dû passer, en tout et pour tout, un quart d’heure voire peut être trente minutes, grand maximum, avec la colocataire de sa sœur. Et il l’avait fait pleurer deux fois dans ce laps de temps. Eh bien, c’est du joli mon coco. Après ça dit que ça aime les femmes, hein. Enfin, cette fois-ci ce n’était pas vraiment de sa faute. Akane était vraiment sensible. Trop sensible pour son bien, même. Elle finirait avec des nerfs fous avant la fin de la vingtaine à ce rythme là. Sans doute était-ce ça, le destin des gens trop empathiques. Ils devenaient dingues.

Déboussolé malgré tout, le blond se retrouva à paniquer à son tour. Qu’est-ce qu’on fait dans ce genre de situation ? Suivant son instinct et sans se départir de son calme habituel, il changea de siège et vint s’asseoir à côté d’elle. En temps normal, il l’aurait prise dans ses bras pour la réconforter, mais il n’était pas sûr que ce soit la meilleure chose à faire avec quelqu’un qui supporte aussi peu les contacts physique qu’Akane. Alors il se contenta de passer un bras sur ses frêles épaules et de lui sourire gentiment.

« Chut, ne t’inquiète pas, je ne vais pas te détester. Je ne pourrais jamais te détester voyons, tu es bien trop mignonne pour ça !

Nouveau sourire, dans le genre crétin, qu’il adressait généralement aux membres de sa famille et uniquement à eux. Mais, pour il ne savait qu’elle raison, il avait sentit que la jeune fille avait bien le droit de le recevoir également. Il avait beau être crétin, il était remarquablement brillant également.

_ Tu ne devrais pas pleurer pour ça, tu sais. Si tu continues comme ça, tu vas épuiser ton stock de larmes et tu te retrouveras vraiment bête quand un évènement qui les mérite arrivera et que tu seras incapable de les verser. »

Allez, un dernier sourire pour la route. Sora se releva, attrapant la cannette d’Akane et la sienne au passage. Il les fourra dans son sac - la sienne était vide et son interlocutrice n’avait pas touché à l’autre - et se retourna vers elle. Il lui tendit la main, espérant silencieusement qu’elle ne l’ignore pas cette fois.

« Viens, on va se trouver un coin plus calme pour discuter.

Une fois qu’elle fut debout, il ajouta :

_ Et j’en profiter pour te raconter mon histoire. Notre histoire. »

Il l’avait dit d’un ton un peu désinvolte, pas plus sérieux que d’habitude. Comme si ça ne pesait en rien sur sa vie et sa conscience. « Comme si ». Ils traversèrent le salon en silence et arrivèrent dans l’encadrement de la porte sans un mot de plus. Là, Sora se stoppa. Où pouvaient-ils aller ? Il n’était pas assez fou pour proposer sa chambre ou celle d’Akane, les colocataires étant le pire fléau de cet établissement. Les toilettes n’étaient pas vraiment indiqués non plus, trop fréquentés et, de plus, séparés. Il restait toujours…

« Et si on allait… aux douches ? proposa-t-il finalement. »

Spoiler:

Suite ici : Une bonne colère vaut mieux qu'une bonne douche. La douche fatigue, la colère apaise...[Henri Jeanson]